Objets connectés médicaux :
une propriété intellectuelle très valorisée !

Les start-ups françaises montrent de grandes capacités d’innovation dans les objets connectés, en particulier dans le domaine de la santé. Comment valoriser cette innovation ? Quels sont les outils juridiques qui portent la valeur ?

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Sur les auteurs

Caroline de Mareuil-Villette et Claire Verschelde,Ph.D., conseils en propriété industrielle et european patent attorneys, sont associées de ICOSA (cabinet de propriété industrielle spécialisé en dispositif médical, sciences de la vie et chimie) depuis 2009. En plus de son expertise en brevets, ICOSA a développé une expertise en protection des logiciels, en droit des bases de données et en droits d’auteur pour répondre à une demande forte de protection d’objets connectés dans le domaine de la santé.

Caroline de Mareuil-Villette, associée

Caroline de Mareuil-Villette,
associée

Claire Verschelde, associée

Claire Verschelde,
associée

Les objets connectés sont en vedette : au gigantesque congrès américain CES (Consumer Electronic Show), pas moins de 900 exposants présentaient des objets connectés. Pour ce qui concerne la santé, une étude McKinsey de 2013 annonçait un marché de $1.1 trillion à $2.5 trillion par an avant 2025, la palme de l’innovation revenant, d’après cette étude, au traitement et au suivi à distance des patients atteints de maladies chroniques, grâce à des capteurs connectés super-performants.

Notre santé est un objectif majeur pour les constructeurs d’objets connectés : depuis la montre connectée ou le smartphone qui enregistrent nos performances sportives, notre rythme cardiaque ou la qualité de notre sommeil, les objets connectés sont amenés à jouer un rôle croissant dans la gestion de notre santé. Les plus technologiques sont des pacemakers connectés ou des capsules que l’on avale et qui contiennent des caméras capables de filmer l’état de l’œsophage ou de l’intestin.

Dans cette révolution technologique, les brevets jouent une large place. Le rythme incessant auquel les grandes sociétés achètent les start-up technologiques spécialisées dans les objets connectés impose aux start-up de valoriser l’innovation par le biais des meilleurs outils existants : les actifs incorporels, c’est-à-dire les brevets, les dessins et modèles, les bases de données, les logiciels, les droits d’auteur et les marques.

La propriété intellectuelle, un atout clé pour les dispositifs médicaux connectés.

Breveter un objet connecté n’est pas toujours simple et doit prendre en compte les jurisprudences existantes.

En Europe, un brevet est une solution technique à un problème technique. Cette solution peut mettre en œuvre un programme d’ordinateur, mais ne peut pas être à elle seule un programme d’ordinateur.

Aux États-Unis, depuis la décision Alice Corp v. CLS Bank, la Cour Suprême américaine a posé une distinction entre les inventions non brevetables car se référant uniquement à une idée abstraite, et les inventions brevetables, qui apportent un concept inventif par une intégration de l’idée abstraite dans une réalisation concrète, résultant ainsi dans une contribution significative bien plus importante que l’idée abstraite elle-même. L’application de cette décision par l’Office Américain des Brevets (USPTO) se transforme en un véritable casse-tête, et le rédacteur de la demande de brevet doit anticiper ces objections à la brevetabilité en présentant de manière intelligente comment la solution informatique est intégrée pour apporter une contribution concrète, nouvelle et inventive à l’état de la technique. Mais il n’existe pas d’objet connecté sans collections de données : le droit des bases de données, qui est un droit indépendant, sui generis, voit son importance multipliée par les enjeux de la Big Data.

Enfin, qui dit objet pense immédiatement à un design.

Savoir-faire : valoriser la propriété intellectuelle des dispositifs médicaux connectés

Être capable de mettre en place un portefeuille d’actifs incorporels est une des qualités attendues du chef d’entreprise de start-up technologique : toute la richesse de la start-up est là, et c’est à lui de savoir la capitaliser. Identifier ce qui est valorisable dans le travail de l’équipe technologique, comprendre que la mise en place de la collection de données peut être une source de revenus, faire mettre en place des bases de données valorisables, demander la création d’interfaces graphiques fortes et gérer les droits d’auteur en découlant, protéger les codes sources des logiciels, créer des designs originaux, jongler avec le secret, le savoir-faire et le dépôt de brevets : voilà les enjeux stratégiques de ces start-up d’objets connectés.

Valoriser un portefeuille d’actifs incorporels est la démarche préalable à toute acquisition, toute levée de fonds, et répond à des règles précises :

  • définir le périmètre de valorisation,
  • distinguer les actifs essentiels des actifs accessoires,
  • connaître les forces et les faiblesses de ces actifs,
  • identifier les risques associés au développement,
  • mettre en place un calendrier de développement crédible et cohérent avec le business plan,
  • prévoir la pénétration et le développement du marché,
  • s’assurer de circuits de distribution.

Les comparables de marché sont nombreux, et il faut s’y référer, tout en étant prudents par rapport aux valorisations les plus élevées.

En ce moment, les acteurs majeurs du marché sont en compétition sur ce marché en fort potentiel, qui commence tout juste à s’ouvrir, et les plus hautes valorisations atteignent des sommets :

  • Google a acquis Nest pour plus de 3 milliards de dollars, et Qualcom a acquis CSR pour plus de 2,5 milliards de dollars,
  • Cisco a investi 1 milliard de dollars dans différentes start-up et annonce encore de nouvelles acquisitions.

Cela ne signifie pas que toutes les start-up d’objets connectés pourront se valoriser à des prix si élevés, mais le nombre de transactions montre très clairement que le marché des fusions/acquisitions des start-up des objets connectés est extrêmement actif.

Decideurs-Objets-connectes-medicaux

Les normes : un enjeu majeur

Enfin, il est à peu près certain que l’industrie des objets connectés va passer par les chemins ouverts par l’industrie des télécommunications. Pour le moment, de nombreux systèmes concurrents s’affrontent. Mais avec le développement des objets connectés, la standardisation des réseaux va devenir nécessaire, comme ce fut le cas pour les smartphones, et des questions de Propriété Industrielle similaires pourraient bien se poser. Certains brevets vont devenir ce que l’on appelle des SEP (standard essential patents), c’est-à-dire des brevets qui revendiquent une invention qu’il est obligatoire de mettre en œuvre pour se mettre en conformité avec les normes applicables ; les différents acteurs devront trouver les conditions auxquelles les licences devront être conclues : ce que l’on appelle dans le secteur des télécom les conditions FRAND (fair, reasonable, and non-discriminatory).

On peut se demander qui choisira les standards pour les dispositifs médicaux connectés : est-ce que ce seront les États, par le biais des structures hospitalières, dans une volonté d’allier télémédecine et dispositifs médicaux connectés ?

L’Union Européenne arrivera-t-elle à s’emparer de ce sujet, à l’aube de ce changement majeur de vie et d’habitudes que nous voyons se profiler ?

Les propositions viendront certainement des sociétés privées, asiatiques ou américaines, dominant le secteur des dispositifs médicaux. L’enjeu est incroyablement important.

LES POINTS CLÉS

  • La valorisation des objets connectés est intimement liée à leur propriété intellectuelle.

  • La propriété intellectuelle liée aux dispositifs médicaux connectés est donc devenue un enjeu majeur.

  • Différentes protections doivent être envisagées simultanément : brevets, logiciels, bases de données, marques, droits d’auteur.

  • Les stratégies les plus efficaces sont reconnues par les acteurs majeurs du marché, qui investissent massivement pour être les premiers à dominer ce marché à fort potentiel.